L’encadrement : cheval de Troie de la financiarisation des retraites

Le principe de la réforme du gouvernement est de bloquer les ressources dévolues au financement des retraites au mieux à leur niveau actuel, 14 % du PIB. Nous passerions ainsi d’un système « à prestations définies et négociées », dans lequel le taux de remplacement est garanti, à un système « à cotisations définies », où ce sont les ressources qui sont bloquées et les pensions qui s’ajustent à la baisse.
Le décalage progressif de l’âge pivot en fonction de l’espérance de vie est une illustration de ce pilotage automatique. Tout comme la possibilité, avec ou sans âge pivot, d’ajuster la valeur du point en fonction de la situation économique et démographique.

Maintien du niveau de vie

Alors que nous savons qu’en 2050 le nombre de personnes de plus de 60 ans aura augmenté de près de 40 %, cette réforme se traduira par un effondrement du montant des pensions, notamment pour l’encadrement. Le gouvernement ne s’en cache pas. L’abandon des 25 meilleures années pour le calcul de la retraite au profit de la prise en compte de toute la carrière pénalisera particulièrement les cadres. Leur pension décrochera de leur dernier salaire.
Les exemples étrangers le démontrent : dans ces régimes à points « à cotisations définies »,  les salariés solvables sont contraints à recourir à l’épargne retraite pour tenter de maintenir leur niveau de vie. Le gouvernement nous dit, la main sur le coeur, qu’il sauve la répartition ? Au contraire, il applique à la lettre les directives de BlackRock et des fonds de pension  : limiter le système par répartition à un filet minimum de sécurité pour les salariés non solvables et forcer les autres à investir leurs économies dans l’épargne retraite.
Nous refusons que les cadres soient contraints de jouer leur retraite en Bourse ! Lors de la création de la Sécurité sociale, en mettant en place l’Agirc, nos organisations ont oeuvré pour que l’ensemble des salariés bénéficient d’un système par répartition leur garantissant le maintien du niveau de vie. Il s’agit d’un enjeu déterminant pour assurer la pérennité de nos retraites.
La preuve ? Exclure, comme le propose le gouvernement français, les cadres sup de la répartition intégrale c’est priver notre système de retraite solidaire de leurs cotisations, soit 4 milliards d’euros chaque année. Loin d’une mesure de justice sociale, ne plus garantir aux cadres le maintien du niveau de vie au prétexte qu’ils seraient « favorisés », c’est faire entrer le loup dans la bergerie et créer un boulevard pour la capitalisation.

Revoir les exonérations de cotisations

Le retrait de la réforme est un préalable pour que le débat sur le financement des retraites s’ouvre et que nos propositions concrètes soient enfin examinées. Pour renforcer notre système à « prestations définies » et garantir le maintien du niveau de vie, nous proposons d’augmenter les financements assis sur les cotisations sociales et les richesses produites par le travail.
Nous souhaitons négocier sur les cotisations et l’amélioration des droits à la retraite dans le cadre du système et des régimes existants. Nous pensons nécessaire de réexaminer, au regard de leurs résultats en matière d’emploi et d’investissements, les exonérations de cotisations sociales qui atteignent en 2019 le montant record de 66 milliards d’euros. Enfin, rappelons que le financement de nos retraites est directement dépendant des politiques d’emploi et de salaire. La fin de l’austérité salariale, notamment dans la fonction publique, l’égalité salariale et des mesures résolues pour lutter contre le chômage et la précarité permettraient de dégager des ressources financières importantes.
Plutôt que d’alimenter la spéculation et les fonds de pension, nous souhaitons que nos richesses soient mises au service du financement de nos retraites solidaires par répartition.
Une tribune publiée dans Les Echos le mercredi 22 janvier 2020

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